Erigée en dogme de l’entraînement de course à pied, la sortie longue n’est pas forcément discutée et remise en question. Elle apparait chaque semaine dans nos plans d’entraînement. Elle vous nous effraie parfois. Nous fatigue souvent. Et malheureusement peut nous blesser. Alors la sortie longue est-elle vraiment utile et indispensable ? Et comment la rendre plus intéressante ? C’est le sujet de cet épisode.
Adoptée par les sportifs de haut niveau dans les années 60, la sortie longue est un mythe sacré de la course à pied. Et donc on n’y touche pas. Vous ne trouverez pas un plan d’entraînement pour une course sans sortie longue.
Dans Strava il y a même un type d’entraînement spécifique « Sortie longue » en plus de « Entraînement ». Et c’est ce qui m’a fait tilter. Quand est-ce que j’ai fait une sortie longue ? Qu’est-ce qui définit ma sortie longue ? Mon footing d’une heure en endurance fondamentale est-il une sortie longue ou pas ?
La sortie longue est jugée incontournable
La sortie longue apparait comme un dogme de l’entraînement. Elle est considérée comme efficace et indispensable. Sinon, pourquoi tous les coureurs la feraient depuis 60 ans religieusement chaque dimanche ? Et donc elle n’est pas discutée !
Il est vrai que quelque soit la distance préparée, on doit construire une base solide dans le domaine aérobie. C’est notre capacité même à courir plusieurs minutes lentement. Et d’abord à petite vitesse. Et ce n’est pas si simple. Donc au départ on travaille l’endurance à vitesse plutôt lente.
Puis petit à petit on augmente le temps avec de l’endurance fondamentale. En général on est fier d’atteindre le palier des 5km puis celui de l’heure.
C’est au-dessus que viennent alors les questions pour progresser et donc la sortie longue.
Les bénéfices de la sortie longue
Les partisans de la sortie longue avancent plusieurs arguments :
- amélioration générale du système cardiovasculaire avec une baisse de la fréquence cardiaque au repos et pendant l’effort ;
- amélioration de l’utilisation de l’oxygène par les muscles en développant les réseaux de distribution ;
- adaptation progressive des muscles et des tendons au stress générés par les chocs répétés ;
- meilleure utilisation de nos réserves pendant l’effort ;
- préparation mentale aux distances plus longues ;
- rassure sur notre capacité à tenir la distance d’un semi, marathon ou trail.
Mais finalement est-ce que ces sorties ne peuvent pas contre-productives ?
Les dangers de la sortie longue
Les sorties longues ne sont pas sans danger. Surtout quand on dépasse les 2h30 :
- courbatures et lésions musculaires ;
- douleurs articulaires et tendineuses ;
- épuisement des réserves énergétiques ;
- grande fatigue le jour même et les jours qui suivent et d’autant plus importante pour les coureurs moins entraînés.
Après analyse, ces enchaînements de sorties longues sont aussi une cause de ma périosite pour la préparation de mon premier marathon. Mon corps avait lâché après l’enchaînement des sorties 25 à 28km prévues dans le plan. Plus de 2h30 à chaque fois.
Et oui car le risque est de s’attaquer à des sorties trop longues pour notre niveau. Quand c’est une fois, ou une course, on prends le temps de récupérer après. Mais dans la préparation d’une course ces sorties s’enchaînent. On récupère moins et le corps fatigue. Et la fatigue des longues séances entraîne aussi la répétition de gestes qui se dégradent.
Le risque c’est donc la blessure, les séances de Kiné et d’osthéo pour réparer et soigner les lésions provoquées par un entraînement inadapté.
La sortie longue est-elle un passage obligé ?
La sortie longue reste donc importante à condition de l’adapter à nos objectifs et notre niveau.
Surtout que finalement il n’y a pas d’étude prouvant que les bénéfices physiques d’une sortie longue de 2h30 sont beaucoup importantes que ceux d’une sortie longue de 1h15. Alors que l’on sait est certain qu’allonger beaucoup reste générateur de fatigue.
Et c’est bien la difficulté. Comment quantifier ce qui est une sortie longue et à quel moment elle est efficace et à quel moment elle ne l’est pas ou plus. Car c’est relatif.
Si on prépare un ultra, courir 2h est une petite sortie. Si on prépare un 5km ou 10km c’est probablement inefficace d’allonger trop. Et il faut y rajouter notre niveau. Si vous courez un semi ou un marathon à 15km/h ou à 10km/h ce n’est pas la même chose.
Imaginez que votre programme intègre une sortie longue de 32km. C’est très fréquent car ça correspond à la « sortie des 20 miles » des programmes marathon américains par exemple. Elle est censée préparer au mur. Alors que le plus dur est ce qui se passe après.
Elle sera faite en un peu plus de 2h pour le coureur capable de faire un marathon à 15 ou 16km/h. Mais celui qui veut faire un marathon en 4h et plus va courir plus de 3h pour la réaliser.
Et l’impact sur la fatigue n’est pas du tout le même. C’est la même distance mais le temps d’effort est supérieur pour le coureur moins rapide. Et ce dernier est en plus moins en capacité de le supporter. Car courir 32km pour un coureur qui court 40km par semaine c’est beaucoup alors que c’est plus aisé pour celui qui en fait 60, 80 ou 100.
Vive les sorties longues à allure spécifique !
On va donc se montrer prudent sur la sortie longue et la rendre plus qualitative au lieu de l’allonger systématiquement.
Car travailler l’endurance est une chose. C’est indispensable. Cela vous permettra de finir la course. Mais ne travailler que l’endurance ne vous aidera pas à réussir votre course.
Autrement dit, il est tout aussi important de courir aux allures que vous envisagez le jour de la course. Et c’est le but d’un plan d’entrainement. Il vous amène à courir la distance visée dans le temps visé. Il vous préparer donc à une allure cible.
Le plan vous aide à augmenter progressivement votre capacité à courir de plus en plus longtemps à l’allure cible. En tout cas suffisament longtemps pour faire la distance prévue.
Voici pourquoi une sortie longue de 2h30 à 9km/h n’a aucun intérêt pour préparer un marathon que vous souhaitez courir en 4h c’est à dire un peu plus de 10km/h. Cette sortie ne va vous préparez ni à la distance, ni au temps de course, ni à la vitesse. Vous gagnez surtout de la fatigue potentielle.
D’où l’intérêt pour vous de savoir à quelle allure vous envisagez de courir même si votre objectif n’est que finir votre 10km, semi ou marathon.
Définissez votre allure cible
Quelque soit la course, il faut placer un chrono potentiel. Si c’est 4h au marathon, cela vous donne une vitesse de 10,6km/h soit une allure cible de 5mn40 au kilomètre.
A partir de là, votre sortie longue qui est la sortie qui ressemble le plus à la course, doit donc vous préparer à cette allure cible. Mais vous n’avez pas besoin de faire toute la séance à cette allure. Au départ vous n’y arriverez pas. C’est l’enchaînement des sorties longues à allure spécifique qui vous prépare à le faire le jour J.
Vous allez donc inclure dans votre sortie longue des fractions de plus en plus importantes à cette allure spécifique. Avec un temps d’échauffement avant et de récupération entre les fractions. Les fractions vont être de plus en plus longue jusqu’à vous permettre de tenir le jour de la course.
Je vous invite à réécouter l’épisode avec Yoann Stuck sur courir trop vite mais aussi sur comment il place différentes allures dans ses séances.
Entraînez-vous en fonction du temps d’effort et non de la distance
L’autre point pour rendre sa sortie longue efficace est de travailler au temps d’effort et non à la distance. On va donc placer une limite. Selon les entraîneurs la durée optimale qui apporte les bénéfices mais évite les inconvénients serait autour de 1h30. Mais certains disent 2 heures.
Et dans ce créneau on va inclure des portions de temps en vitesse spécifique. On va par exemple viser de courir 60 minutes en allure spécifique sur l’ensemble de la séance.
Après un temps d’échauffement on va donc faire 6×10 minutes à 5:40 avec un temps de récupération entre chaque. La séance suivante sera de 5×12 minutes, puis 4×15 et ainsi de suite.
Je précise que vous n’avez pas besoin d’être pile à 5:40. Le corps ne fait pas la différence si vous variez 5:38 à 5:42. En revanche il verra si vous courez à 5:20 puis à 6:00.
Limitez le volume de la sortie longue
N’oubliez pas que la sortie longue doit être intégrée dans un programme plus global. Elle ne doit pas générer trop de fatigue car vous devez enchaîner votre préparation.
Là encore des entraîneurs estiment qu’elle ne devrait pas représenter plus de 25 à 30% de votre entraînement global. On estime qu’il faudrait courir dans la semaine 1,5 fois la distance visée. Soit environ 60km par semaine si vous préparez un marathon et voulez l’apprécier. La sortie longue devrait alors faire entre 15 et 20km.
Si vous faites un rapide calcul cela signifie que ce n’est possible que si vous faites au minimum 4 sorties par semaine. Sinon vos sorties courtes seraient plus longues que la sortie longue.
La sortie longue sera encadrée par d’autres séances :
- footing en endurance fondamentale,
- des séances de vitesse : VMA courte et longue,
- PPG.
Le bénéfice de courir plus souvent mais moins longtemps
Avec l’expérience je comprends mieux pourquoi je suis désormais plus à l’aise en courant 4 fois par semaine et non 3. J’avais tablé sur 3 séances pour la préparation du marathon de Lyon et j’avais terminé blessé au bout de 10 semaines sur les 12 prévues.
Pour Paris j’avais un plan de 12 semaines mais avec 4 séances. Le volume était plus important mais les séances plus légères. Et au final plus qualitatives. J’avais le souvenir d’avoir vraiment plus souffert sur les sorties longues de ma première prépa en terminant vraiment très fatigué. Je l’ai payé.
J’ai aussi constaté au mois de juillet que je pouvais faire un volume plus important en courant tous les jours du mois sans ressentir de fatigue… sauf les lendemains des sorties longues.
En conclusion
Alors oui la sortie longue est utile et importante. Mais il faut éviter la sortie trop longue qui devient inutile et trop fatigante. Cette durée dépend de votre niveau et de votre objectif.
Mais gardez en tête que ce n’est pas une sortie très longue à petite vitesse chaque dimanche qui vous aidera à courir un marathon dans un temps spécifique. D’où l’intérêt de faire des sorties longues à allure spécifique pour vous préparer à courir réellement à l’allure envisagée le jour de la course.
Et si vous n’avez pas d’objectif vous n’avez probablement aucun besoin de faire de grosses sorties longues. Ce qui vous épargnera de la fatigue et de lassitude. Deux conditions pour courir très longtemps.
Peut-être mais vous ne répondez pas à la question de la distance de la sortie longue pour la préparation d’un ultra.
Cdlt.