L’indignation est un vecteur marketing extrêmement puissant. Les événements du week-end dernier l’ont encore prouvé. En nous indignant sur les réseaux sociaux contre des événements et des paroles jugées outrageantes, nous ne faisons que leur donner encore plus de visibilité. Certains savent en tirer profit pour faire passer leur message.
Notes de l’épisode
Le marketing de l’indignation repose sur un paramètre humain très noble. Quand qu’elle que chose « nous met la rage » nous avons besoin de l’exprimer. Et les réseaux sociaux permettent de le faire très facilement. Trop facilement peut-être, car en exprimant son indignation sur certains sujets nous ne faisons que les aider à se propager.
La mécanique est quasiment toujours la même :
- Un élément de départ : partir d’une actualité, d’une pensée, organiser un événement qui va forcément indigner la masse et contre laquelle laquelle il est facile de s’indigner. Même pas besoin de créer un gros truc. Mais il faut que ça génère facilement de la colère ou la controverse.
- Lui donner un début d’importance : le faire paraître un peu plus gros qu’il ne l’est ou concernant une personnalité ou marque connue.
- Allumer le feu sur les réseaux sociaux : Twitter est très puissant pour ça. Un hashtag relayé avec la complicité de quelques personnes ou blogs même à l’audience limitée. La viralité et le mécanisme de Trending Topics font le reste.
- Et regarder le feu se propager : les « grands médias » saisissent le bruit ambiant et le hashtag et lui donnent de l’ampleur. C’est pour eux une source de trafic facile et importante.
L’indignation gangrène ainsi les médias et les réseaux sociaux. Et les cas abondent. Ce week-end avec une opération anti-migrants à quelques dizaines de personnes et peu coûteuse (30.000 euros) a provoqué le débat jusqu’à l’Assemblée Nationale et généré en quelques heures 60.000 citations dans Google News. Le site Rich Meet Beautiful avait lui installé devant une université un camion avec une pub 4×3 pour suggérer aux étudiants de trouver un Sugar Daddy ou Sugar Mama pour payer leurs études. Ils ont fait le même coup en Belgique. Coût de l’opération, quelques centaines d’euros, mais 826.000 citations dans Google News.
Ce n’est pas nouveau. Benetton a son époque a utilisé la même indignation avec certes plus de classe mais le ressort est similaire.
Désormais les réseaux sociaux accélèrent le mouvement et permettent à de plus petits groupes de l’exploiter du moment qu’ils font preuve d’un peu d’organisation.
Vous pouvez lire le livre de Ryan Holiday Croyez-moi, je vous mens : Confessions d’un manipulateur des média pour creuser le sujet.
Comment lutter ?
C’est difficile. Comme avec les trolls la meilleure réponse est de les ignorer. Plus ils ont l’attention des médias et plus ils peuvent continuer et même grossir. Ils sont récidivistes et continuent de grossir à chaque fois. Le seul moyen de déjouer une telle opération médiatique est de faire en sorte de ne lui donner aucun écho. Leur donner de l’importance c’est rentrer dans leur jeu.
Mais ce n’est pas simple car cela joue sur un ressort profondément humain : la colère voir la rage de tels actes. D’autant que la réaction habituelle c’est : « mais ne rien dire c’est cautionner ». Hélas, dire dans ce cas permet de faire passer le message. Même si vous les insultez dans votre message, vous portez leur combat aux yeux de plus de monde. Et vous leur apportez même peut-être de nouveaux adhérents (ou clients).
C’est d’ailleurs pour ça aussi que je conchie les personnalités, notamment politiques, qui s’indignent sur les réseaux sociaux pour tout et rien, et surtout parfois parce qu’il faut s’indigner, alors qu’ils ont les leviers, le pouvoir, pour agir, éduquer, légiférer…
La prochaine fois que vous voyez passer de telles campagnes, demandez-vous si ça vaut le coût de vous indigner sur les réseaux sociaux. Et si vous avez vraiment la rage, agissez !
La version vidéo du podcast
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