Les utilisateurs de Twitter, y compris Kim Kardashian, demandent la possibilité de modifier les tweets après publication. A mon sens ils ne le feront pas. Et c’est tant mieux. Je souhaite que Twitter n’implémente jamais cette fonction. Car pour moi elle peut conduire à une explosion du réseau par de nombreuses dérives. Surtout qu’une bonne partie du problème peut être résolu par ses utilisateurs.
La modification des tweets est une vieille revendication des utilisateurs. Twitter avait consulté ses membres fin 2016 sur les fonctions qu’ils aimeraient voir ajoutées en 2017 et c’était cette fonction qui était arrivé en premier. Les défenseurs de cette fonction ont même une ambassadrice, Kim Kardashian qui a demandé deux fois cette fonction.
Dans une discussion publique sur Twitter, Jack Dorsey avait confirmé y réfléchir sérieusement et même que « la modification commence à devenir nécessaire. » Pour autant, s’il elle n’est pas là c’est qu’elle pose problème. Ce n’est pas un problème technique, mais un problème qui touche à l’essence même de la plateforme.
Cette fonction qui semble anodine, pourrait, si elle est mal implémentée et controlée, transformer Twitter en pire qu’il en l’est actuellement sur certains comportement, renforcer le côté exutoire et tout simplement conduire à son explosion.
S’il est vrai que la plupart des demandes de modifications concernent des fautes d’orthographes ou des mots oubliés, on peut aussi vouloir modifier un message pour changer une grosse ânerie mais on pourrait aussi la détourner pour diffuser des informations contraires.
Si je modifie le contenu d’un message déjà retweeté et que j’en change le sens complètement cela devient plus que problématique pour une plate-forme qui doit rassurer sur sa fiabilité et sa pertinence en tant que source d’information et d’actualité.
Kevin Weil, chef de produit Twitter l’avait d’ailleurs expliqué dans une conférence :
« un utilisateur pourrait facilement utiliser celle-ci non pas pour corriger des coquilles, mais pour changer le sens des phrases d’une publication, après que cette publication ait été partagée par d’autres utilisateurs et intégrée sur des sites web. »
Le problème n’est pas technique mais humain : c’est nous !
Twitter comme internet est un espace de discussion public. Mais de par sa forme, c’est le plus proche de la discussion parlée. Le réseau est spontané, direct, vif. Et dans la discussion parlée soit on réfléchit avant de parler pour éviter de dire n’importe quoi, soit on réfléchit pendant que l’on parle et on s’expose potentiellement. C’est le risque du direct radio et tv.
Un vieux proverbe français ne dit-il d’ailleurs pas qu’ « il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler » ? En substance, il signifie seulement qu’il faut bien prendre le temps de réfléchir avant de parler afin de ne pas risquer de regretter ce qu’on dit.
Et sur Twitter, nous avons un bouton publier. Autrement dit, avant de diffuser son message nous avons une chance de le relire. Une bonne partie des demandes des internautes pourraient être réduites à zéro s’ils utilisaient ce simple réflexe.
Mais il est plus facile, ou plus rapide, de ne pas relire ou laisser les autres le faire. Il est aussi plus facile d’alléger sa responsabilité par des « c’est la faute de mes doigts », « c’est la faute du correcteur », « c’est la faute de twitter » et le pire utilisé notamment par les politiques « j’ai été piraté ».
L’humain se défausse sur les autres et sur l’IA
Et ce n’est pas fini. Avec la modération humaine mais aussi automatisé par l’intelligence artificielle, ce comportement risque encore d’augmenter. Je vous invite à lire les comptes-rendus des procès des harceleurs de Nadia Daam c’est effarant !
On arrive ainsi dans une logique : « je sais que je peux dire n’importe quoi car ça va être supprimé quelques minutes après. » Manque de bol, entre-temps le message a le temps d’être vu, lu et d’avoir fait mal.
Ce comportement est d’ailleurs contraire au phénomène de persistence, « ce que j’écris maintenant restera dans 15 ans peut-être. » Si l’internaute avait conscience de ça, il ferait probablement plus attention. Pour l’instant, on reste plus dans l’idée que tout finit dans un trou noir.
Les solutions
Twitter avait déjà exploré les pistes. Déjà en 2013, ils travaillaient sur un bouton « Edit ». Quelques pistes évoquées :
- disponible que pendant une durée limitée.
- un tweet modifiable qu’une seule fois et une fois que cela sera fait, l’opération impactera aussi sur les retweet,
- algorithme pour vérifier que les modifications et les ajouts ne soient applicables que sur un nombre limité de caractères ou de mots,
- mais surtout un algorithme éditorial pour déterminer si une personne veut simplement corriger une faute ou quelque chose d’erroné ou si elle cherche à complètement modifier l’information qu’elle a publié.
A mon sens, il faudrait surtout que le message soit marqué comme modifié, comme le fait Discord, et qu’un lien permette de remonter à l’historique des modifications pour voir le message initial. C’est ce que fait Wikipedia sur ses pages.
Reste après que la solution est aussi humaine. Si on peut modifier le message quand on le relit quelques secondes après la publication, pourquoi ne pas prendre ces quelques secondes avant d’appuyer sur le bouton publier. C’est après tout ce qu’on fait avec le mail mais aussi à l’oral.
Conclusion
Comme je le dis en cours et en formation, si le message est important on doit prendre le temps de le vérifier avant publication. Le défaut actuel, y compris des community managers professionnels, est de vouloir être absolument le premier, le plus réactif.
Mais il serait temps de tourner 7 fois les doigts sur le clavier avant de publier !