Non Snapchat n’est pas mort et c’est le réseau préféré des pré-adolescents. Tel est le bilan que l’on peut faire de la 3e édition du baromètre Born Social. 85,3% des jeunes nés en 2005 et après disent être présents sur Snapchat. Facebook est désormais très très loin derrière.
J’ai souvent des discussions avec des personnes en formation et mes étudiants sur les réseaux qu’ils utilisent et qu’ils recommandent d’utiliser dans le cadre d’une stratégie digitale. Ces derniers temps, j’entends souvent « Snapchat ne sert plus à rien c’est un réseau mort. » Je leur demande alors de ne pas regarder avec leurs yeux mais avec les yeux des gens à qui ils s’adressent. Leur cible donc.
Ce n’est pas simple d’autant que parfois cela nous conduit sur des terrains qui ne sont pas le nôtre. L’agence Heaven, en partenariat avec l’Association Génération Numérique, a diffusé la 3e édition de son baromètre Born Social. C’est une enquête organisée à la rentrée des classes pour analyser l’usage des réseaux sociaux par les moins de 13 ans. Le sondage est réalisé sur 16 578 élèves de classe de 6e et 5e.
Ce sont donc des gamins nés en 2005 et qui n’ont connu qu’une vie avec internet. Ils sont même plus jeune que Facebook créé en 2004. On peut aussi les considérer comme de clandestins des réseaux sociaux car ils sont inscrits sur des plateformes alors qu’ils n’ont pas l’âge de l’être. On ne peut s’inscrire sur Facebook et Snapchat qu’à partir de 13 ans et sur WhatsApp à 16 ans.
Et pourtant, ils sont là et bien là. Ainsi, 54,1% des enfants sont inscrits aux réseaux sociaux dès la 6e. Ce chiffre atteint 71,5% en 5e. Rien d’étonnant et seulement l’illustration du phénomène de tribu. Plus vous avez de monde inscrit autour de vous, plus il devient indispensable d’y être ou difficile de ne pas y être.
Une phrase de l’enquête est révélatrice : « mes amis m’ont demandé si j’avais Snapchat ». Mais imaginez la scène à la rentrée. Le premier jour dans les classes, les élèves se demandent leur compte Snapchat ou demandent à tous leurs camarades de classe de s’identifier sur une photo commune.
Ainsi, les élèves de 5e sont inscrits en moyenne à 3,9 plateformes sociales en 2018. Près de 10% sont inscrits sur 6 réseaux. Plus que leurs parents probablement.
Concernant les usages on retiendra que 56% des élèves de 5e sondés font usage des réseaux sociaux pour regarder des vidéos, 40% pour partager des photos et des vidéos, 27% pour suivre des célébrités. Notamment leurs Youtubeurs préférés et les stars de la téléréalité. La volonté de s’informer est faible : seuls 13% s’y informent sur l’actualité et 4% partagent des liens et des articles. On peut alors se poser la question de la présence de marques comme Le Monde dans Discover de Snapchat.
Snapchat ultra-dominateur
Mais la plus grande leçon a retenir de l’étude est sans aucun doute sur leurs réseaux préférés.
- Snapchat : 85,3% déclarent être présents sur l’application, soit une augmentation de 8,6 points par rapport à 2017. Ils l’utilisent pour discuter, s’envoyer des photos des vidéos. C’est aussi la première messagerie à l’école élémentaire,
- Instagram est un complément : 66,7% sont présents sur l’application. C’est un bon complément à YouTube,
- Musical.ly / Tik Tok : 42,4% de présence (+12,6pts),
- WhatsApp : 29,8% (+4,2pts),
- Facebook : seulement 28,7% d’inscrits chez les moins de 13 ans et perd 18,9 points en un an. Les gamins y sont parce que leurs parents leur demande d’être dessus mais il n’y a personne dessus,
- Twitter a pratiquement disparu et est même inconnu de certains,
- Pinterest n’existe pas beaucoup plus.
Facebook et Twitter sont les réseaux sociaux d’une génération qui n’est pas la leur. Il y a donc un fossé immense, des mondes qui ne se croisent pas dans les usages. Je suis inscrit sur TikTok et Snapchat mais j’y suis moi même un clandestin.
Comment faire pour leur parler ?
Si je suis une entreprise qui doit parler à ces gamins, la question de ma présence se pose. La question est de savoir si je suis légitime dessus et surtout si j’ai un moyen de m’y exprimer. La question est surtout de savoir s’ils me donneront la permission de leur parler. Je n’ai pas à leur demander explicitement mais je dois trouver le moyen qu’il m’accepte. Oasis a su le faire mais de nombreuses marques n’osent pas franchir le pas d’un communication qui détruit beaucoup des codes construits pour les adultes.
Voici donc le message que je fais passer à mes étudiants et mes clients. Il y a les terrains auxquels nous pensons naturellement et qui nous sont familiers. Mais il faut s’intéresser aux terrains de jeu de nos cibles. Et cela impose une remise en question forte, un véritable apprentissage et parfois trop important.
Ils dessinent les usages futurs
L’autre question qui se pose est l’avenir de ces outils. Il fut une époque où nous avons connu des chiffres de popularité similaires dans les écoles, collèges et lycées pour des services comme Skyblog, Msn Messenger puis Skype, MySpace et récemment Facebook. Nous avions coutume de dire à une époque que la durée de vie réelle d’un réseau social était de 7 ans.
Facebook a réussi à repousser l’échéance mais s’essouffle dans son cœur. La force de Facebook fut de le sentir tôt, d’aller piquer aux autres ce qui lui manquait et surtout d’investir dans d’autres applications comme Instagram et WhatsApp et de les développer. C’est ce que n’avait pas su faire AOL ou Yahoo! en leurs temps.
Et puis il faut observer ces usages. Ces gamins sont aussi de futurs adolescents et adultes. Si vous préparez le futur, un produit qui nécessite de la recherche et des années de développement vos clients sont là. Les habitudes développées dans ces réseaux, les méthodes de socialisation, les réflexes et aptitudes qu’ils développent dessinent le futur des outils.
Les messageries instantanées type WhatsApp que nous utilisons facilement dans le monde des adultes ont été adoptées très jeunes. J’utilisais ICQ quand j’étais étudiant, j’ai connu MSN dans le contexte du travail. Les jeunes qui entrent sur le marché du travail avait MSN en primaire, dans 10 ans arriveront ceux qui ont grandi avec Snapchat.
Il est donc probable que certaines habitudes et formats utilisés actuellement par ces gamins nés au 21ème siècle soient des tendances fortes dans quelques années quand ils auront grandit.
Si vous voulez observer, si vous avez besoin de vous en imprégner, il est probable que vous devriez faire un tour sur Snapchat et TikTok. Personnellement je suis dessus tel un clandestin qui n’a pas grand chose à y dire ni regarder vraiment. Je ne fais que humer l’air du futur.