Nous n’avons probablement pas véritablement besoin de plus d’informations que nous en ingurgitons déjà. Nous avons surtout besoin d’utiliser réellement l’information que nous avons déjà consommée et que nous allons consommer. Une question cruciale pour apprendre mais aussi pour transmettre.
Notre problème
Commençons par un constat général. Il est probable que nous ayons consommé au court de notre vie, qui n’est pas finie, beaucoup plus d’informations qu’une personne qui vivait il y a quelques dizaines d’années ou au début du siècle dernier. Et nous continuons tous les jours à les faire rentrer dans notre tête.
Mais notre problème est ailleurs : nous avons besoin d’utiliser réellement l’information que nous avons déjà consommée. C’est à dire être capable de la « convoquer » quand nous en avons besoin et de l’utiliser pour faire quelque chose. Et ça c’est un défi quand on apprend, mais c’est aussi un défi quand on veut faire apprendre.
Pour autant nous restons focalisé sur la consommation plus rapide. J’ai été formé à la lecture rapide en école de commerce. Nous écoutons des podcast à vitesse x1.5, nous regardons des vidéos sous-titrées en vitesse x2, nous scannons les textes pour les lire en vitesse x10…
Il devient à mon sens capital de chercher à savoir quels sont les formats les plus pertinents pour optimiser cet apprentissage. Comment s’informer et informer ? Comment apprendre et apprendre aux autres efficacement ? Quel format serait le plus intéressant ?
La tentation de répondre par là règle des 3V de Mehrabian
Albert Mehrabian, professeur de psychologie de l’université de Californie (USA) a énoncé « la règle des 3 V » en 1967 après deux études psychologiques. Cette règle est aussi appelée « règle du 7 % – 38 % – 55 % » :
- 7 % de la communication est Verbale (signification et sens donné aux mots employés)
- 38 % de la communication est Vocale (intonation et son de la voix)
- 55 % de la communication est Visuelle (attitude : expressions du visage et du langage corporel).
Bien que critiquée, cette règle a été beaucoup utilisée et notamment en marketing mais aussi par des coach en PNL ou en prise de parole. Certains ont ainsi considéré que la signification d’un message était véhiculée essentiellement par une communication non verbale et non par la signification des mots. Certains en ont déduit que 93% de la communication est non-verbale. C’est une erreur grossière qui vient d’un manque de compréhension de la psychologie et des études.
Albert Mehrabian s’est d’ailleurs désolé par la suite que sa règle soit mal interprétée. Il a rappelé déjà que ses résultats étaient issus d’expériences concernant la communication de sentiments et d’états d’esprit (par ex. aimer/détester).
Et surtout ces recherches sont extrêmement pertinentes quand il y a ambiguïté. Autrement dit quand vous dites que vous êtes heureux mais que votre corps dit l’inverse. Le cerveau de votre interlocuteur va plus interpréter ce que dit votre corps que ce que dit votre bouche.
Mal utilisée, cette règle du 7-38-55 présente ainsi le gros défaut de paniquer inutilement de nombreuses personnes qui, au final, travailleront leur gestuelle au détriment de leur cœur de message.
Alors qu’il est essentiel de rappeler que le total fait 100% donc que l’expression est un tout.
Ce que nous retenons réellement d’un message transmis
N’oublions pas que nous avons chacun nos sens préférentiels. Certains sont plus visuels, d’autres sont auditifs alors que d’autres sont kinesthésiques, le ressenti physique.
Vous savez dans votre cas quel est votre sens préférentiel. Mais vous ne le savez pas par avance pour votre audience. Et dans votre audience vous aurez un mix de tous ces sens. Vous devez composer avec et le prendre compte pour optimiser la transmission de l’information et son assimilation.
Aussi, selon certaines études nous retenons :
- 10% de ce que nous lisons
- 20% de ce que nous lisons et écoutons en même temps
- 30% de ce que l’on voyons
- 50% de ce que nous voyons et entendons en même temps
- 70% de ce que nous disons
- 90% de ce que nous disons et faisons en même temps. Bref en étant impliqués
Vous devez tenir compte de ces aspects en tant que créateur de contenu et formateur. Si vous devez transmettre de l’information, si vous devez former quelqu’un, si vous voulez faire des formations en ligne, il est important de faire en sorte que votre public soit en mesure de comprendre, apprendre et utiliser plus tard. Mais c’est aussi vrai si vous êtes vous même en situation d’apprentissage.
Alors comment maximiser l’apprentissage et votre propre apprentissage ?
Notre cerveau a besoin de digérer l’information
Il est d’abord important de s’intéresser à notre cerveau et comment lui laisser digérer tout ce que nous lui donnons à consommer. Que va-t-il faire et que doit-il faire en fonction des différentes formes de contenu que nous lui proposons.
Si nous tenons compte à la fois de Mehrabian et de ce que nous retenons, nous comprenons que nous devons proposer la même information sous plusieurs formats. Chacun viendrait alors picorer le format qui l’intéresse.
Je pourrais par exemple essayer de vous aider en proposant la transcription intégrale de chaque épisode. Vous pourriez la lire mais il vous manquerait un élément important. Ma voix. Le sens, l’intention et la tonalité sont perdus dans une simple transcription textuelle. Et je pense honnêtement que la version audio est largement meilleure.
L’audio et la vidéo ont aussi un autre intérêt : ce sont des formats passifs. Notre cerveau se contente de recevoir et peut penser à autre chose en même temps. Et vous le savez quand votre cerveau a de l’espace pour faire les connexions c’est souvent très intéressant. C’est ce qui explique que vous avez des idées sous la douche ou en courant.
En comparaison, lire demande à notre cerveau un certain effort. Ecrire et prendre des notes pendant que vous écoutez vous demande aussi un effort et une concentration. Vous ne pouvez pas faire autre chose en même temps.
Nous pourrions alors considérer que la vidéo et l’audio sont plus pratiques et adaptés. D’autant que ces formats mettent en jeu le non-verbal. Vous retiendrez probablement plus d’informations en voyant quelqu’un parler et vous montrer des choses qu’en lisant une transcription des mots prononcés.
Notre temps d’attention est limité
Toutefois, ce n’est pas si simple. Notre temps d’attention est limité, notre temps de concentration aussi et parfois nous décrochons tout simplement. C’est assez rapide quand nous regardons une vidéo YouTube surtout sur ordinateur où nous pouvons faire autre chose. C’est aussi vrai en podcast. Nous écoutons ainsi certaines choses d’une oreille en faisant autre chose.
Cette limite de concentration plus notre faible capacité à retenir ce que nous écoutons conduise à une réalité. Il vous faudra en moyenne écouter 7 fois une information pour vraiment la retenir. N’espérez donc pas tout retenir en ne l’entendant qu’une seule fois.
Telle est la difficulté de la communication. Cette transmission d’information est incomplète. Et le pire c’est qu’elle l’est à la fois du côté de l’émetteur et du récepteur. Ainsi :
- nous ne disons que 70% de ce que nous voulons vraiment transmettre comme message,
- 60% est entendu,
- 50% écouté,
- 40% compris,
- 20% retenu
- 10% répercuté.
Alors quel est le format idéal ?
Compte tenu de notre fonctionnement, l’idéal serait de prévoir des expositions répétées et de mélanger les formats. Si un même contenu était disponible dans tous les formats (vidéo, audio, écrit), il serait probablement très efficace de commencer par le regarder, puis l’écouter, et enfin le lire.
Vous recevez ainsi plusieurs fois le message sous différentes formes. Dans cet ordre, vous entendez par exemple la voix de l’auteur dans votre tête pendant la lecture, ce qui peut vous aider à mieux comprendre et mémoriser le message.
Mas surtout, apprendre ce n’est pas juste consommer de l’information et la retenir. C’est aussi l’appliquer. Et comme nous le rappellent les chiffres que je vous ai donné, c’est lorsque vous appliquez les informations que vous apprenez le plus.
Il faut accepter de perdre du temps pour mieux apprendre
Cela doit nous interroger sur notre manière de produire et consommer des formations. La meilleure manière serait probablement de commencer par regarder ou écouter une formation dans son intégralité. Puis de revenir point par point en lisant. Prendre des notes sur les différents points permettrait peut être d’améliorer la mémorisation mais il faut surtout appliquer au fur et à meure.
Cela prend plus de temps. Mais au final ne vaut-il mieux pas prendre plus de temps pour vraiment apprendre quelque chose que juste être une éponge qui ne fait rien de ce qu’elle absorbe ?