Je donne beaucoup de cours en ce moment. Mon sujet central c’est internet, les blogs, les médiaux sociaux en général, le e-commerce, le développement d’activité via internet au sens large. Je passe donc mes journées à enseigner et échanger avec des étudiants dont certains sont nés quand je développais mon premier site internet.
C’était encore le cas ce mardi avec des étudiants Bac+5. Le cours se déroule bien et je pense avoir réussi à en intéresser suffisamment. Je n’ai compté qu’un endormi dans la matinée, sur 35 élèves, c’est pas loin du sans-faute. D’ailleurs, à la fin une étudiante vient me voir pour me féliciter du cours :
« Monsieur, je voulais vous féliciter, c’était super intéressant et je dois vous dire que ce n’est pas souvent qu’on rencontre un vieux qui s’y connait aussi bien que vous en internet. »
Vous comprenez le compliment, mais vous voyez aussi le mot qui tue. A 39 ans je rentre donc cette catégorie des vieux. Je suis donc maintenant pour eux un de ces profs qui part avec un boulet au pied, car je dois leur montrer que moi aussi je peux leur en apprendre sur l’utilisation d’internet et les réseaux sociaux malgré mon grand âge. Pas si simple face à des jeunes qui sont depuis des années les professeurs en internet et réseaux sociaux de leurs parents et famille. Ils ont sur certains réseaux autant d’expérience que moi voir 100 fois plus si on parle en heures de connexion et usage.
Donc pour eux je suis un vieux et je me dis qu’à leur âge j’ai très probablement considéré comme tels beaucoup de gens de mon âge de maintenant. C’est retour vers le futur ! J’avoue jouer moi même depuis longtemps avec ma femme, mais aussi avec mes étudiants de cet âge qui me semble trop important pour la réalité. Hier je les avais d’ailleurs un peu cherchés en leur disant qu’ils étaient étaient les vieux d’autres étudiants jeunes et que ça se voyait à leurs usages.
A deux ou trois ans d’écart, je constate en effet une vraie différence dans les usages de certains outils par les promos. Je pensais au début que c’était une question de formations, de classes, de tribus, mais je me rends compte que ces quelques mois d’écart jouent aussi un rôle important. Mon critère n’est plus le taux d’usage de Facebook (99%), Snapchat (98%) ou Blablacar (90%), mais leur taux d’utilisation d’AdBlock ou de connaissance des YouTubeurs stars du moment. Hier certains de ces « jeunes » ne connaissaient pas réellement Enjoy Phoenix, Squeezie ou Natoo dont le coeur du public est bien plus jeune qu’eux. Comme quoi on est toujours le vieux d’un autre. Et toc !
J’ai encore quelques années, mais si je continue à enseigner, je croiserai bientôt les vrais Millenials, ceux nés après l’an 2000. Là il est certain que le saut sera radical. Quel sera l’objet dont ils auront bien du mal à se dire qu’il a existé un jour alors qu’il faisait partie de mon enfance puis de mes études ? Quelle référence culturelle choisir pour ne pas faire dinosaure ? Quelles seront leurs stars Snapchat dont j’ignorerai peut-être même le nom ? Rappelons aussi qu’ils seront plus jeunes que Facebook et Google et que donc ces sites auront toujours existé de leur point de vue.
Hier sur le coup, j’en ai souri et j’en rigole encore. S’il quelques signes et cheveux blancs ne trompent pas, l’âge est dans la tête avant tout. J’ai même du mal à me dire que mes 30 ans sont désormais bien loin. Et puis après tout, l’an dernier encore un élève m’incitait à aller voter à la campagne BDE de l’université en pensant que j’étais un élève.
De toute façon j’ai décidé qu’à 70 ans je ferai du surf. Je publierai alors la vidéo sur le service à la mode dans 30 ans, ne nous avançons pas trop sur son nom. Je vous donne donc rendez-vous dans trois décennies pour la regarder. Je verrai alors si je me décide à devenir « vieux »…
Photo Simon Wijers
Pétard. J’ai 39 ans…