Le rasage est une préoccupation récurrente de l’homme, un sujet que j’ai souvent abordé et sur lequel je reçois de nombreuses informations ou produits à tester. Pour autant, je m’accommode très bien de la barbe de quelques jours et les informations montrent que l’industrie du rasoir souffre de la tendance actuelle tout en accompagnant la tendance du rasage corporel. Alors, où en sommes-nous du côté de nos poils ?
La barbe à la côte
La première question que je me suis posée était de savoir si le hipster va avoir la peau de Gillette et des autres marques de rasoirs mécaniques et lames ? Posée ainsi la question semble étrange, mais la mode de la barbe de trois jours, et beaucoup plus, a depuis quelque temps des conséquences économiques réelles pour les fabricants de rasoirs et lames.
En début d’année, Procter & Gamble, propriétaire de Gillette, a ainsi annoncé une baisse de 7,8% des ventes pour les 3 derniers mois de 2013 et une baisse de 16% sur un an de son bénéfice. Pas de quoi les conduire à la faillite, mais le marché du rasoir a perdu 6% en volume en 2013 et risque de décliner encore plus vite cette année.
En début d’année, Jon Moeller, le directeur financier de Procter & Gamble mettait cette baisse sur le compte de la tendance des hommes à « moins se raser ». Il est clair que la mode n’est plus à l’homme à peau de bébé, mais à une barbe allant de naissante à plus que fournie.
Le rasage quotidien est encore obligatoire dans certains métiers, secteurs d’activités ou entreprises, mais globalement nous avons réussi à nous sortir de cette contrainte. Ne crions cependant pas victoire trop vite, tout n’est affaire que de modes et de tendances…
Le Movember à tord sur le banc des accusés
Le directeur financier avait aussi évoqué le Movember qui incite les hommes à se laisser pousser la moustache pour lutter contre le cancer. Le pouvoir de la moustache est une belle action, mais ne serait alors pas vraiment un cadeau pour un vendeur de lames.
L’argumentaire a été repris, mais il ne faudrait pas oublier que Gillette est partenaire de Movember, notamment en France. La marque avait même ouvert un barber shop éphémère dans le magasin L’Homme, du BHV du Marais, pendant la première quinzaine de novembre.
La marque avait aussi remis un chèque de 30.000 euros pour la France et déclarait que la marque et Movember « partageaient les valeurs de camaraderie, d’esprit d’équipe, de dépassement de soi… ainsi qu’une certaine idée de l’élégance masculine dans la lignée du style aujourd’hui devenu vintage des ‘gentlemen’. »
Un retournement de veste curieux d’autant qu’il faut toujours un rasoir pour entretenir une moustache !
Se raser est trop cher ?
Le directeur financier de P&G n’a en revanche pas évoqué le prix des rasoirs et des lames, mais sait pourtant que c’est un frein, surtout quand l’argent manque dans nos poches. Il le sait très bien car Gillette et Wilkinson se sont lancés depuis quelques années dans la surenchère à la promotion qui n’est pas sans conséquence sur les fameux bénéfices des deux entreprises.
Mais même avec ces réductions le budget rasage reste conséquent et chacun a sa technique pour économiser. D’ailleurs connaissez-vous votre budget rasage ? Pour ma part, j’avais calculé dans les allées d’un supermarché que l’achat d’un rasoir électrique était finalement très vite rentabilisé. Le coût est douloureux à l’achat, mais on constate une baisse chaque mois en payant les courses. Ça va pas ainsi faire loin de 10 ans que je me rase 95% du temps à l’électrique maintenant.
D’autres préfèrent user les lames jusqu’à la corde ou inventent de nouvelles techniques. Chez Gizmodo vous trouverez celle qui consiste à frotter rapidement 10 à 15 fois ses lames dans chaque sens sur un vieux jean. La méthode permettrait de faire durer les lames jusqu’à 8 mois ! Gillette ne doit être guère enchanté par cette solution non plus…
Abonnements et retour du barbier
Les services sur abonnement comme Le Dollar Shave Club, Raz*War, Big Moustache ou On rase gratis permettent aussi de belles économies, qu’ils annoncent de l’ordre de 25% à 40% par an. Les services sur abonnement auraient déjà grignoter 4% du marché américain.
Se raser moins permet aussi de garder du budget pour se payer une petite séance chez un barbier. Grosse tendance du moment avec le retour dans nos villes de ce métier qui existait déjà dans la Grèce et la Rome antique, mais pratiquement disparu il y a encore quelques mois. D’ailleurs, L’Oréal Paris avait repris le concept du barber shop au Grand Palais pour sa marque de soins Men Expert.
Course à l’innovation
Gillette et les autres ne pouvaient que réagir et ont choisi de monter en gamme pour justifier des prix élevés et une certaine différence. Il n’aura échappé à personne que les marques continuent à vendre des systèmes toujours autant développés.
Comme ils ne pouvaient pas ajouter infiniment des lames, ils ont ajouté des perfectionnements divers. On nous parle ainsi d’un micro-peigne qui guide les poils vers les lames, de lames plus fines ou plus rapprochées, de têtes qui se lavent plus facilement et même de lames qui durent plus longtemps.
Les fabricants vont aussi sur le terrain des rasoirs et tondeuses électriques. Ils ont commencé en mettant des piles qui font vibrer les rasoirs et on retrouve ça un peu partout maintenant. Mais surtout depuis 2012, Gillette a dégainé le Fusion ProGlide Styler qui propose en plus une tondeuse de technologie Braun pour tailler la barbe et l’entretenir.
Puisque les hommes veulent avoir de la barbe, autant les aider à l’entretenir et la styliser. Préparons-nous donc à voir d’autres produits arriver dans ce segment surtout que le Styler a eu un certain succès.
Rase tout ce que tu peux !
Mais les fabricants de rasoirs misent surtout sur une autre pratique de fond celle du manscaping. Si l’homme ne se rase plus le visage, il se rase de plus en plus le reste du corps et vraiment tout le reste du corps. Le termine de manscaping est lui même la contraction de man et de landscaping, signifiant respectivement homme et jardinage en français.
Au siècle dernier, il n’y a pas si longtemps donc puisque j’y suis né, le poil sur le corps symbolisait la masculinité et n’y avait bien que les cyclistes ou nageurs qui s’épilaient, parfois sous la moquerie. Mais ceux qui riaient il y a quelques années, en sont maintenant à se demander comment se raser les tétons et les testicules sans se couper.
En effet, dans les années 2000 le poil est devenu ringard dans la grande tendance du métrosexuel, mais aussi d’une esthétique porno qui a envahi la mode, la pub et les médias. Le psychothérapeute français Gérard Leleu ne s’étonnait alors pas d’une évolution de l’esthétique du mâle : «L’épilation masculine correspond à la nécessité de transition de l’homme ancien et donc velu, à l’homme nouveau.» En perdant ses poils, l’homme devenait plus évolué et surtout sensible.
Une étude de Gillette dans 12 pays européens en 2008 montrait alors que 88% des Européens se rasaient la barbe et que 26% des hommes s’épilaient le maillot et les poils des jambes. Nous étions à l’époque dans une chasse au poil tant sur le visage que sur le corps.
Barbe taillée et corps glabre
Les tendances passent et le métrosexuel a été remplacé par le novocasual, le hipster ou encore le récent normcore. Désormais la situation s’est inversée. Notre société accepte voir fait la promotion d’un visage plus ou moins barbu posé sur corps musclé et totalement épilé. Il suffit de regarder la publicité, les acteurs ou les sportifs.
Le rasage corporel est alors devenu l’obsession d’une industrie qui regrette l’époque bénie où l’homme devait absolument se raser tous les matins avant de sortir de chez lui. Les fabricants de rasoirs et lames vont donc tout faire pour nous inciter à raser tout ce que l’on peut en dessous du cou et nous allons très probablement voir de plus en plus de produits dans ce sens.
Et le marché est énorme, on parle là de milliards de dollars. Selon des études, un tiers des américains se rase au moins une partie du corps. En même temps, des études réalisées par Procter & Gamble, montrent que beaucoup d’hommes, surtout les plus jeunes, empruntent crème dépilatoire et rasoir de leur femme ou copine quand il s’agit de faire la chasse aux poils !
Gillette a alors sorti aux Etats-Unis le Body Razor, mais qui ne me semble pas exister en France sous ce nom là. Le marché est aussi bien embouteillé avec des rasoirs électriques spécifiques pour le corps comme le Bodygroom chez Philips, BodycruZer chez Braun ou X-Body Care chez BaByliss. D’ailleurs le site BaByliss for Men illustre assez bien la situation actuelle des hommes à la barbe travaillée et au corps rasé.
Veet se positionne aussi sur le marché avec des crèmes dépilatoires Veet for Men. Vous avez aussi la solution de la lumière pulsée dont il faudra que je reparle pour l’avoir testé chez un fabricant il y a quelques mois et qui propose maintenant des modèles d’épilateurs personnels abordables tant pour les hommes que pour les femmes.
Et les femmes ?
Quand on se pose la question de savoir ce qui sera l’avenir du poil masculin nous sommes toujours tenté de regarder chez l’autre sexe. Les femmes ont commencé à s’épiler les aisselles dans les années 20 pour mettre des robes à manches courtes. Dix ans après ce sont les poils des jambes qui furent indésirables. Depuis la tendance ne s’est jamais inversée et c’est maintenant le poil pubien qui a fini par disparaître chez beaucoup
Une enquête IPSOS révélait ainsi il y a quelques semaines que 14% des françaises s’épilent complètement et tout particulièrement chez les jeunes : près d’une fille sur deux de moins de 25 ans (45%) est épilée intégralement. Curieusement si l’étude a demandé aux hommes quels pubis ils préfèrent elle ne leur a pas demandé ce qu’ils faisaient pour leur toison à eux.
En 2010 le journaliste Stéphane Rose avait publié sur ce « tsunami dépilatoire » conséquence de la pornographie, de l’hygiénisme, du culte de la jeunesse et de l’industrie cosmétique. Mais comme nous l’explique Camille Emmanuelle en citant l’auteur de ce livre, le porno féministe tente maintenant de réhabiliter le poil. La marque American Apparel s’est d’ailleurs joué de cette question dans la vitrine de sa boutique new-yorkaise.
Conclusion
Pour être honnête je n’ai pas vraiment de conclusion ni de conseil si ce n’est de vous dire de faire comme bon vous semble. L’avantage c’est que vous pouvez actuellement opter pour la barbe ou le rasage de près comme bon vous semble.
Bonjour,
La mode revient également au rasage à l’ancienne : rasoir de sécurité / coupe-choux / … et là l’économie pour un homme est identique voir meilleure que les rasoirs électriques.
En effet, les lames des rasoirs électriques sont super chers.
En revanche, les lames des rasoirs de sécurité coûtent entre 0.20 et 0.60 € la lame. Sachant qu’une lame peut durer presque 1 semaine. Ensuite il faut acheter un savon à barbe à environs 10€. Et lui, il dure au moins 1 an.
Enfin, si l’on parle des rasoirs coupe-choux, la lame ne se change pas donc encore plus d’économie.
Les poils, ça craint. On les a eu à la base, bien fournis, pour se défendre du froid. Avec les habits et l’évolution technologique (chauffage central et autres bienfaits), le poil est devenu non seulement inutile mais disgracieux ! Ce machin noir qui se développe de façon anarchique, ça ressemble à rien.